Majorque, la montagne

À l’origine, nous avions pensé passer quelques jours à Palma, puis traverser l’île du sud au nord jusqu’à Alcúdia pour y prendre le traversier qui nous ramènerait à Barcelone. Il n’y a qu’une soixantaine de kilomètres à parcourir. Mais en regardant la carte, et après notre escapade à Sóller, nous nous rendons compte qu’il existe de nombreuses possibilités de randonnée dans la Serra de Tramuntana. Nous décidons donc de nous arrêter à mi-chemin dans un minuscule village au pied de la montagne, Caimari, histoire d’aller nous dégourdir les jambes autrement que sur des roues.

Et c’est là que Majorque nous surprend encore. Nous pensions arriver dans un village calme, voire mort, comptant au plus une dizaine d’habitants. Eh bien c’est presque ça, mais pas tout à fait. En fait, les dix habitants tiennent quasiment tous une chambre d’hôte ou un hôtel et le reste de la population est composé… de cyclistes logés dans ces hébergements touristiques. Nous nous retrouvons perdus dans un flot permanent de pelotons (allemands pour la plupart, mais aussi anglais et parfois néerlandais) venus s’entraîner ici, car il semble que Majorque soit réputée pour ses stages d’entraînement de cyclisme. Autant dire que nous, avec nos deux chars d’assaut surchargés, nous nous sentons vite dépassés (au propre comme au figuré) lorsqu’un groupe de 20 personnes nous rase de très près, de trop près à 40 km à l’heure, au risque de nous faire valser dans le bas-côté. Bref, nous avons l’impression d’avoir été catapultés en plein tour de France sans avoir été prévenus.

Nous nous sentons donc un peu seuls (si vous nous connaissez, vous savez que cela n’est pas forcément pour nous déplaire) le matin lorsque nous quittons à pied notre luxueuse chambre avec piscine et petit déj’ (végane) inclus pour aller nous perdre dans les sentiers. À peine la route principale quittée, nous avons la nature rien qu’à nous et grimpons à 1 000 mètres d’altitude au sommet du Puig de n’Alí, en traversant d’abord des champs d’oliviers, puis un pierrier aux formes incroyables, sous le regard inquiet des chèvres de montagne qui se sauvent en nous entendant. Bien sûr, la vue à l’arrivée est incroyable et nous ne regrettons pas les difficultés de la montée. Seul bémol, le ciel était un peu voilé et on ne distinguait pas très bien la mer.

Nous avons tellement aimé cette randonnée que nous décidons de prolonger notre séjour à Caimari. Nous nous sentons vraiment bien, au calme, dans ce petit village en pierre niché au creux des montagnes, avec toutes ces activités de plein air qui s’offrent à nous. Nous restons donc une nuit de plus et nous rendons au monastère de Lluc, considéré comme le cœur spirituel de Majorque, où une statuette de la Vierge aurait été trouvée et aurait disparu à deux reprises. Il s’agit d’un lieu de pèlerinage très important des Baléares et le chemin est à présent intégré à un sentier de grande randonnée. Le terrain et le paysage sont bien différents de la veille. On reste plus dans les boisés et on prend moins d’altitude, mais les 20 kilomètres aller-retour se font bien sentir à la fin de la journée. Encore une fois, nous rentrons enchantés et décidons de prolonger le séjour d’une journée encore. Malheureusement, l’hôtel est plein à partir du lendemain. Nous sommes donc forcés de refaire les sacoches et de remonter sur nos vélos.

Direction Alcúdia et la côte nord où nous prévoyons passer un ou deux jours pour randonner avant de prendre le traversier. En chemin, nous traversons la très jolie (et très touristique) ville de Pollença, où nous prenons le temps de faire le marché et de nous promener un peu. Mais le lieu est bondé, ce qui nous pousse à poursuivre notre route. Nous disons adieu à la montagne, même s’il nous suffit de regarder au loin pour la voir, et arrivons dans la petite ville balnéaire d’Alcúdia. Changement de décor et fin de la tranquillité. Nous retrouvons les barres d’immeubles et les innombrables bars et restaurants sur le front de mer. Mais en nous éloignant un peu de tout cela, nous retrouvons aussi les plages paradisiaques et l’eau turquoise transparente. Et on se souvient que la mer aussi, c’est beau.

Côté randonnée, par contre, nous avons un peu raté notre coup. Nous en avions repéré une, que nous avons dû annuler pour cause de crevaison : la semelle de ma chaussure est décollée jusqu’à la moitié du pied. J’avais bien vu qu’elles commençaient à battre l’aile, mais pas à ce point. Impossible de se lancer pour près de 20 kilomètres de vélo + rando en montagne avec ça. Nous nous rabattons donc sur le parc naturel de s’Albufera, une réserve naturelle située à proximité. Ce sont des marais, nous sommes donc sensés y observer divers oiseaux, entre autres. Et là, c’est tout plat, donc faisable en sandales. Par contre, ce n’est pas le plus fun : pas d’oiseaux en vue, sentiers bordés de roseaux si hauts qu’on ne voit rien aux alentours. Le plus incroyable de la journée a été l’observation des chevaux et d’une mule, et le son des grenouilles dans les étangs. Bon, c’était tout de même agréable : une sortie sous le soleil dans la nature, à peu près seuls au monde, il y a pire dans la vie. Et 13 kilomètres parcourus quand même.

C’est toutefois la montagne qui nous rappelle. Nous n’arrivons pas à nous résoudre à quitter l’île et, bien que nous ayons prévu de prendre le traversier deux jours après notre arrivée à Alcúdia, nous changeons d’avis. Nous avons trouvé un petit hébergement abordable au pied de la Serra, mais plus près de Palma, cette fois. Une petite cabane entourée d’orangers et de citronniers sur le terrain des propriétaires, le rêve… Nous faisons donc demi-tour et nous rendons à Alaró, où nous passerons deux jours. Le premier sera consacré à une ascension jusqu’au château d’Alaró : 20 kilomètres aller-retour, assez exigeants malgré un terrain ne présentant pas de difficultés. Mais la pente, bien que constante, est raide! Nous sommes agréablement surpris en arrivant au sommet de trouver les restes d’un château bien conservés. D’en bas, on voyait à peine trois bouts de murs et on se demandait si l’ascension valait vraiment la peine. La réponse est oui, d’autant que la vue panoramique est incroyable. Il aurait juste fallu interdire l’accès aux groupes d’Allemands bruyants et peu civiques (comme à vélo, tiens…) qui nuisaient un peu à la sérénité des lieux. Asociaux, nous? Pffff…

Le deuxième jour, nous enfourchons les vélos pour 15 kilomètres jusqu’au joli village de Bunyola. Nous y étions passés dans le train de Sóller, mais sans nous y arrêter. Puisque nous étions si proches, c’était l’occasion d’y retourner. Ce qui devait être une petite journée de vélo s’est en fait transformé en journée pas si facile de vélo (30 kilomètres de relief sous le vent) et d’une bonne petite marche dans les hauteurs du village où nous avons retrouvé la vue sur les montagnes au beau milieu des ruelles de pierres. Nous reconnaissons bien ici les plans d’un ancien quartier arabe et d’une petite médina, un peu surprenant si haut dans la montagne.

Nous serions bien restés plus longtemps dans ce petit paradis, mais le logement est loué à partir du lendemain. Nous devons quitter les lieux. Encore une fois, nous devions repartir à Alcúdia et prendre le traversier, mais non, nous n’en avons pas encore eu assez. Nous mettons cap vers l’est pour aller voir la côte et ses nombreuses calanques que nous n’avons pas encore eu l’occasion d’admirer.

Plus de photos sur la Serra de Tramuntana et Alcúdia ici.

À SUIVRE…


Une pensée

  1. Salut les cyclovoyageurs ! J’y vais bientôt, je note tous vos bons plans 🙂 merci pour articles dépaysants. On ne manque aucune de vos aventures. A bientôt au bord du Léman ! Bises

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