La France d’ici

Entre baguette et beurre de peanut, Renault Clio et GMC Sierra, Super U et Home Hardware : bienvenue à Saint-Pierre-et-Miquelon!
Nous ne savions pas trop quoi attendre de notre dernière destination vacances-travail. En effet, la frontière entre la France et le Canada semble bien mince. C’est donc avec de nombreuses interrogations que nous avons posé le pied sur notre Mère Patrie le 10 octobre dernier.

Tout d’abord, petite présentation de Saint-Pierre-et-Miquelon pour les ignorants qui, comme nous-mêmes il y a encore deux semaines, ne savent rien de ce bout de terre français en Amérique du Nord. Il s’agit donc d’un archipel composé de deux îles principales – Saint-Pierre, et Miquelon-Langlade – et d’autres plus petites aux alentours. La ville de Saint-Pierre, la capitale, se trouve sur l’île Saint-Pierre. Elle compte environ 5 500 habitants. Près de 600 âmes peuplent Miquelon-Langlade. Cette seconde île est en fait composée de deux îles reliées entre elles par une bande de terre appelée l’isthme. Viennent s’ajouter à cela quelques îlots, dont l’île aux Marins, la plus touristique.

L’archipel étant entouré d’eau (étonnant, non?), deux possibilités s’offraient à nous pour nous y rendre : le bateau et l’avion. Nous avons vite éliminé l’option maritime, trop coûteuse et surtout trop chronophage pour le temps dont nous disposions. En effet, le traversier passe obligatoirement par Terre-Neuve, et arrive à Port-aux-Basques, du côté opposé de Saint-Pierre. Cela implique donc de traverser toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador en voiture, pour ensuite aller prendre le traversier à Fortune et enfin arriver sur la terre promise. Tout cela ne vous dit rien? C’est normal. Voici un petit visuel pour vous aider.

Bref, tout cela nous aurait bien pris deux jours. Et pareil pour le retour. L’option aérienne s’est donc rapidement imposée. Nous avons ainsi eu l’honneur de voyager sur Air Saint-Pierre, la compagnie locale qui relie directement l’archipel à Halifax, Montréal, Saint John’s, les îles de la Madeleine et Paris. Elle effectue également des vols directs entre Saint-Pierre-et-Miquelon. Après 1 h 15 de vol, nous atterrissons. Nous attendons quelques minutes le taxi qui nous emmène à l’hôtel que nous avons réservé pour une semaine. Après avoir pris possession de notre chambre, c’est parti! Il nous tarde de voir à quoi ressemble la ville. Au premier coup d’œil, il n’y a aucun doute, nous sommes bien en France : panneaux de signalisation français, panneaux de rue français, plaques d’immatriculation françaises, et voitures… plus ou moins françaises.

Mais surtout, les gens parlent français. Le français de chez nous. Pas québécois, acadien ou un mélange des deux. Non, le français de la métropole. Avec toutefois « une pointe d’accent » (comprenez un accent très prononcé) normand. Rien d’étonnant à cela, puisque les premiers habitants de l’archipel étaient Normands.

Parenthèse historique. Après la découverte de l’archipel au XVIe siècle, les premiers Européens s’y sont implantés pour y pratiquer la pêche. Ils arrivaient principalement de Normandie, de Bretagne et du Pays basque. Comme à l’habitude, les Français et les Anglais n’ont cessé de s’affronter pour l’acquisition de ce territoire. Les îles ont changé de mains à plusieurs reprises avant d’être définitivement rétrocédées à la France en 1815. C’est bien sûr la pêche qui attirait dans ces contrées lointaines. À la baleine, d’abord, puis à la morue. Cette industrie a fait la richesse de Saint-Pierre-et-Miquelon pendant des décennies, jusqu’à ce que la surexploitation du poisson n’entraîne l’interdiction de la pêche, puis l’instauration de quotas. L’archipel vit à présent principalement du tourisme et des services.

Mais revenons à nos moutons. Nous découvrons donc une très jolie ville à flanc de colline, pleine de maisons colorées. Pour le coup, l’architecture est un vrai mélange franco-canadien. Les bâtiments administratifs sont bien français (du bon gros béton), tandis que les logements sont plutôt canadiens, construits avec les ressources plus locales, c’est-à-dire principalement le bois. Mais les habitants tiennent tout de même à mettre une petite touche française sur leur propriété et nous sommes étonnés de retrouver des barrières avec portillon en PVC autour du jardin. Jardin dans lequel on peut apercevoir la corde à linge sur poulie typique de l’Amérique du Nord. Un vrai melting pot. Le centre-ville est plutôt actif (sauf entre midi et 14 h, ça on avait oublié) et les petites rues sont parsemées de magasins sans enseignes parfois difficiles à repérer. Mais les boulangeries nous ont été bien indiquées. Nous sommes parés!

Tout cela, nous l’avons exploré tôt le matin, avant 10 h, début de la journée de travail, et le soir, après 18 h, fin de la journée de travail. Cela ne laissait pas beaucoup de temps. Heureusement, nous avions prévu une journée de congé le lendemain de notre arrivée, et comptions sur le week-end à venir pour explorer davantage.

C’est donc sur Miquelon que nous avons passé la journée de mardi. Départ à 7 h 30 en bateau pour une traversée d’une heure. Nous arrivons tôt. Sur les conseils des propriétaires de la Biocoop (eh oui, une Biocoop, le bonheur!!!), nous avons loué une voiture pour pouvoir nous déplacer sur l’île. Après en avoir pris possession, direction le cap de Miquelon pour une randonnée d’une dizaine de kilomètres à la pointe de l’île. Dès notre arrivée au belvédère, nous savons que nous avons raison d’être là. C’est magnifique! Une alternance de forêt, d’océan, de falaises et de lacs : tout ce que nous aimons regroupé en un seul lieu. Autant dire que nous sommes sous le charme. La randonnée est très accessible. Le léger dénivelé du parcours n’est là que pour nous permettre de mieux profiter de la vue. Chaque petit sommet, chaque virage, nous offre un nouveau paysage. Nous en prenons plein les yeux! Et cerise sur le gâteau : il y a du thé du Labrador partout. Nous faisons donc une belle petite récolte.

Après cette petite excursion, nous décidons de trouver un endroit où manger pour changer de notre traditionnel pain-houmous. Nous nous retrouvons donc dans le seul resto de l’île, dans un décor plutôt rétro, après avoir été accueillis pas un cuisinier haut en couleur. La cuisine végétalienne n’est pas vraiment la spécialité ici, mais il nous assure qu’il peut nous préparer quelque chose. Quoi? On ne sait pas…

Bon, on ne va pas vous mentir, après quatre heures de rando, c’était un peu léger. Mais il faut avouer que nous ne nous attendions pas à cela. Et à la décharge du chef, il utilise au maximum des ingrédients locaux et de saison, alors il a fait avec ce qu’il avait en ce mois d’octobre… des légumes de son jardin.

Nous reprenons la voiture en direction de Langlade, le village au sud de l’île, et de l’isthme qui nous a été décrit comme quelque chose à voir absolument. Nous comptons aller randonner dans cette zone. En effet, l’isthme a quelque chose de spécial. Cette bande de terre tout en longueur avec d’un côté l’océan et de l’autre des dunes recouvertes d’herbes folles, c’est inhabituel. Nous nous promenons donc pendant quelques heures dans les environs, jusqu’à l’observatoire du barachois (bassin d’eau de mer protégé par des barrières naturelles). À notre retour, il est temps de rendre la voiture. Il nous reste ensuite une heure à tuer avant d’embarquer pour Saint-Pierre. Nous nous réfugions dans le seul lieu ouvert : la maison de l’environnement et de la nature, un musée qui fait également café et reste ouvert plus tard les jours de traversier pour que les voyageurs puissent rester au chaud. À 19 h 30, nous embarquons et sommes de retour à l’hôtel vers 21 h, après une journée bien remplie.

Les trois jours qui ont suivi ont été majoritairement occupés par le travail. Nous avons eu un peu de temps pour nous promener sur la digue et nous rendre au point de vue de la statue de Saint-Pierre, d’où nous avons pu observer la ville dans son ensemble sur fond d’océan. Nous avons également profité de la vie culturelle de Saint-Pierre pour une soirée cinéma au centre culturel (depuis quand n’avions-nous pas vu de film français sur grand écran?), et gastronomique dans un bon resto où là, nous avons mangé à notre faim.

Enfin, le week-end est arrivé. Nous avions deux choix : randonnée sur l’île ou découverte de l’île aux Marins. La météo ne s’annonçant pas fameuse pour le dimanche, nous décidons d’aller sur l’île aux Marins, réputée pour ses maisons colorées, le samedi. Sous la pluie, ce serait sûrement moins joli. L’île aux Marins, auparavant appelée l’île aux Chiens en raison de la présence de chiens de mer dans ses eaux, s’est peuplée au XIXe siècle. Elle servait d’annexe du port de Saint-Pierre lorsque la pêche était si prolifique que l’espace manquait dans la ville. Il a donc fallu trouver d’autres endroits pour traiter la morue pêchée. Quelques personnes sont donc venues s’y installer et le village a accueilli jusqu’à 600 habitants. Il n’y reste aujourd’hui que quelques maisons, toutes rénovées et habitées en été. C’est l’endroit idéal pour se plonger dans l’histoire de l’île et de son activité économique principale en se baladant le long des sentiers bordés de panneaux explicatifs. Et une très bonne occasion de faire le plein de canneberges fraîches! Nous pique-niquons sur l’île avant de reprendre le bateau pour la ville.

Il est encore tôt, ce qui nous permet d’aller randonner. Nous ne pourrons pas explorer tous les sentiers, faute de temps, mais nous pourrons quand même en découvrir une partie. C’est mieux que rien, sachant que la journée de demain sera pluvieuse et qu’il ne sera pas possible d’en profiter.

Nous nous engageons donc sur les chemins balisés derrière la ville, dans les collines. Et à peine partis, quelle n’est pas notre surprise lorsque nous nous retrouvons en pleine forêt boréale. Oui, en France! Quel étrange sentiment que de savoir que des Français ne vivant pas au Canada connaissent ces paysages qui nous sont si familiers, à nous qui avons vécu dans le Nord. C’est pourtant bien le cas. Nous voilà transportés d’un coup aux Territoires du Nord-Ouest ou dans les hauteurs du Yukon. Nous redécouvrons cette végétation, cette géologie, ces lacs comme si nous ne les avions jamais quittés. Et il faut bien le dire, c’est beau!

Nous revenons à la réalité lorsque nous croisons d’autres marcheurs qui s’adressent à nous en français, nous rappelant où nous sommes. Nous redescendons tranquillement jusqu’à la ville et regagnons notre logis pour une soirée tranquille autour d’une bonne bouteille de rouge français (ou de bière locale).

Dimanche, nous nous levons tard. Il ne pleut pas encore. Au réveil, mon ordinateur a décidé de faire des siennes. Stéphane passe donc le reste de la matinée à faire des sauvegardes pour éviter que je ne perde tout mon travail. C’est bien le moment! Heureusement, nous n’avons rien prévu. Nous nous décidons à sortir en début d’après-midi, laissant l’ordi faire son boulot tout seul. Comme nous nous y attendions, le temps se gâte. Cela tombe bien puisque nous avons décidé, une fois n’est pas coutume, d’aller au musée. Et nous avons eu raison, car ne connaissant absolument rien de l’histoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous apprenons énormément de choses. En seulement deux salles, nous avons découvert l’archipel de ses premiers habitants autochtones à la période contemporaine. Nous avons ainsi appris que la période de la prohibition avait été très profitable, puisque le trafic d’alcool passant par Saint-Pierre pour se rendre aux États-Unis, où il était interdit, a redonné un coup de fouet à la région après la récession ayant fait suite à l’arrêt de la pêche. Nous voilà plus instruits! Mais n’est-ce pas le but premier d’un musée?

Et voilà, nous sommes lundi. Retour à l’aéroport à 7 h 30 pour un départ à 8 h 30 et une arrivée prévue à Halifax à 9 h 15. Petit contretemps : nous ne pouvons atterrir à Halifax à cause du brouillard. Nous sommes redirigés vers Fredericton où nous pourrons atterrir et remplir le réservoir de l’avion, puis redécoller pour Halifax une fois le brouillard levé. Nous arrivons en Nouvelle-Écosse en début d’après-midi, récupérons Étienne et retrouvons notre maison en fin de journée. Le quotidien peut reprendre, nous avons des images plein la tête.


2 pensées

    1. On a pris le bateau de St-Pierre à Miquelon. De Halifax à St-Pierre, on a volé avec Air Saint-Pierre et c’est mille fois mieux, c’est peu dire, que West Jet! On se souvenait pas que tu y étais allée.

      J’aime

Laisser un commentaire